Mauvaises pratiques de 4 compagnies aériennes

Certaines compagnies ont remis ces anciennes pratiques qui ont fait leurs preuves au goût du jour. Attentes téléphoniques interminables, requêtes écrites qui restent sans réponse, sites internet où les formulaires à cet effet sont difficilement trouvables.

CONSOMMATION – Vols annulés, parfois à la dernière minute, les voyageurs peinent à se faire rembourser des billets annulés pour des raisons liées à la crise sanitaire. Me Joyce Pitcher est avocate et spécialiste du droit de la consommation. Elle dénonce ces pratiques et donne des solutions pour récupérer l’argent investi.

Demain, on voyagera peut-être différemment, mais on voyagera toujours, et c’est une bonne chose. Découvrir d’autres lieux, faire des affaires avec des interlocuteurs d’autres cultures, se dépayser au sens propre… Rien de tout ceci n’est indispensable, c’est néanmoins le propre de l’humain, et une de ses plus jolies inclinations. Déjà, le voyage se transforme. Des compagnies aériennes, lourdement touchées par la crise sanitaire, ont fait faillite. Des lignes intérieures, qui peuvent aisément être remplacées par des déplacements en train en France où le réseau ferroviaire est de très bonne qualité, sont déjà supprimées chez Air France.

Dans l’entreprise comme ailleurs, on s’interroge. Parmi les éléments de réflexion sur un monde d’après plus raisonnable, la plupart des entreprises réfléchissent aux moyens qu’elles peuvent mettre en œuvre pour un rapport apaisé à leurs salariés, à leurs circuits de production, aux ressources naturelles…

Quant aux consommateurs, ils sont plus vigilants. Tandis que toutes les entreprises, en particulier les plus rentables, annoncent retravailler leur raison d’être, c’est-à-dire leur rapport au monde, nombre de compagnies aériennes multiplient les initiatives pour ne pas rembourser les billets d’avion annulés pour cause de restriction sanitaire, alors que la loi est claire et que les associations de consommateurs sont vent debout.

La loi oblige à rembourser sous 7 jours les passagers dont les vols ont été annulés; des centaines de milliers de personnes attendent toujours. Parmi eux, des familles qui souhaitent réinvestir cet argent dans des vacances, des étudiants qui ont déboursé des fortunes pour se faire rapatrier en catastrophe et, dans tous les cas, des consommateurs qui peuvent prétendre à récupérer leur argent. Voici quelques pratiques récurrentes, constatées depuis la mi-mars sur plusieurs milliers de dossiers et très contestables, que nombre de compagnies mettent en œuvre pour ne pas respecter leurs obligations. Les identifier, c’est cesser de se culpabiliser et être mieux armé.

Faire jeter l’éponge

Certaines compagnies ont remis ces anciennes pratiques qui ont fait leurs preuves au goût du jour. Attentes téléphoniques interminables, requêtes écrites qui restent sans réponse, sites internet où les formulaires à cet effet sont difficilement trouvables. Rappelons qu’il ne faut que quelques minutes pour acheter un billet d’avion en ligne, il suffit de se munir d’une carte bleue et d’un passeport. Plus grave, des annonces de remboursement nominatives (souvent par courriel) n’ont pas été suivies d’effet! Il est donc fortement conseillé de suivre attentivement son compte en banque après une annonce de remboursement avant de crier victoire.

Faire le mort

Le règlement CE 261/2004 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne répond depuis 2004 à la volonté du législateur d’encadrer la responsabilité des transporteurs aériens. Ils sont donc tenus de dédommager les vols annulés ou ayant souffert de retards de plus de trois heures. Pour se conformer à ces obligations, certaines compagnies disposaient de systèmes de remboursement automatisés. Celles-ci ont bloqué ces systèmes depuis début mars. Des services juridiques de compagnies aériennes au grand complet sont désormais aux abonnés absents alors que la reprise du travail est effective pour tous depuis le 11 mai. Qu’en déduire si ce n’est une volonté affichée de transformer les vacanciers et voyageurs en banquiers devant renflouer les compagnies aériennes en attendant des jours meilleurs!

Les avoirs et le grand retour de la vente forcée

Nombre de compagnies proposent également des avoirs. Et il ne faut que quelques clics pour les valider. Ils s’accompagnent parfois de “gestes commerciaux” de quelques dizaines d’euros supplémentaires. Ici, les pratiques pas très franches s’accumulent. Rien ne prouve que la compagnie n’aura pas fait faillite, auquel cas l’avoir ne sera jamais remboursé. Qui plus est, le prix des billets d’avion est lié à la fréquentation des lignes, or, les compagnies n’ont aucune idée du trafic en octobre prochain pour la destination qu’une famille avait sélectionnée en juillet. L’avoir ne tient pas compte de cette saisonnalité, le cadeau non plus.

Vendre des vols dont chacun sait qu’ils seront annulés

Depuis la sortie du confinement, la reprise du trafic aérien est sujette à mille aléas dans les destinations de départ et d’arrivée. Pas facile d’organiser la reprise en temps réel, avec une situation sanitaire et des normes qui varient parfois en quelques heures. Pourtant, certaines compagnies n’hésitent pas à proposer un large éventail de vols, horaires et destinations, avec une offre équivalente à celle d’avant l’épidémie. Résultat: une grande partie des vols est annulée, et les compagnies rassemblent les passagers restants sur quelques vols autorisés dans le respect de la situation du moment. Escales imposées, horaires et dates qui varient, nombreux sont ceux qui se retrouvent dos au mur s’ils souhaitent effectivement se déplacer. Les autres n’ont plus qu’à… se faire rembourser. Pour les compagnies, c’est enfin l’occasion de proposer un remboursement en avoir, et donc de consolider leur trésorerie.

Ces pratiques sont malsaines. Les compagnies aériennes doivent reconstruire un lien solide et durable avec les usagers et non thésauriser des milliards d’euros en culpabilisant des personnes qui aspirent à voyager et parfois à se revoir dans des familles très éloignées par le confinement et la distance. La liberté de se déplacer est au cœur des aspirations des citoyens. Ceux-ci ne peuvent plus entendre que le Covid-19 est responsable de tout, et sert d’excuse à des entreprises pour être au-dessus des lois, consolider leur trésorerie, et les priver de leur argent, de déplacements et de loisirs.

 Joyce Pitcher